Je suis née dans la province de Kibuye dans un endroit qui s’appelle le secteur Rubengera. Le genocide a commencé après que j’étais allée rendre visite à l’une de nos amis de famille à Kigali. Elle s’appelait Maria; elle était Hutue, mais elle était une bonne amie à ma mère et à ce point-là c’était la période des vacances.

La guerre a commencé après la perte par fusillade de l’avion du président et j’y suis restée pendant trois jours. Je me souviens que c’était le matin quand la situation devenait difficile et elle m’a dit que ça serait mieux pour moi de quitter la maison et de m’en aller. J’étais tellement étonnée d’entendre tout cela d’elle simplement parce que j’étais venue la rendre visite et je ne connaisais personne d’autre à Kigali. Je ne savais même où se trouvaient le chemin ou la route qui me mèneraient de Rugunga à Kivovu.

Je lui ai demandé pourquoi elle me chassait de chez elle. Elle a répondu, “Tu es Tutsie et c’étaient les Tutsis qui ont abbatu le jet du président, donc, tu ne peux pas rester avec moi.” Je savais, certainement, que Habyarimana, le président, a été tué, mais ce fait m’embêtait moins car ce n’était pas moi qui l’avais tué.

Mais avant la guerre je me souviens que je demandais à ma mère la raison pour laquelle nous n’avions pas ni grand-père, ni grand-mère et pourquoi il n’y avait pas d’aînés dans la famille. Chaque fois que je lui posais des questions au sujet de la famille elle avait l’air triste. Quand j’avais 14 ans, elle m’a dit, “Tu es adulte maintenant et je te dis la raison pour laquelle mon père n’est pas ici.”

Elle m’a dit qu’en 1963 les dirigeants et les authorités faisaient des listes ou ils ont inscrit les noms des hommes et des garçons tutsis qui avaient plus que 14 ans. “C’est à cause de cela que ton grand-père a été pris avec d’ autres hommes dans un véhicule et ils les ont tués dans un endroit qui nous reste inconnu.”

Pour moi, c’était difficile de croire parce que je ne pouvais pas imaginer qu’une personne soit tuée simplement pour être Tutsie; J’ai continué à lui demander, “Après qu’on les a saisis, quelle était ta réaction?” Elle m’a dit, “Aucune parce qu’on n’avait nulle part où on pouvait le signaler simplement parce que c’étaient les authorités qui le faisaient.”

C’était en 1994 quand la femme à qui je suis allée rendre visite m’a chassée de chez elle en disant que j’étais Tutsie, je me suis rappelée de ce que ma mère m’avait raconté quelques années avant. Après m’avoir chassée de chez elle, vraiment, j’avais nulle part où je pouvais aller, simplement parce que j’étais nouvelle dans la région et, pour moi, c’était comme le bout du monde. J’ai insisté et je lui ai demandé, “Où dois-je aller maintenant? Je ne ressemble pas à une Tutsie parce que j’ai un grand nez et on dit que les Tutsis ont des nez longs et petits- pourquoi vous ne me laissez pas rester chez vous?”

Ma demande a été rejetée et elle m’a dit, “Les Tutsis ont fait une mauvaise acte en tuant notre président bien-aimé, alors il vaut mieux que tu partes immédiatement.” Je suis sortie de sa maison et je suis entrée dans les toilettes qui étaient à l’extérieur et en y arrivant j’ai trouvé une autre qui restait à Rugunga. Elle avait tellement peur et elle m’a demandé ce que j’avais l’intention de faire aux toilettes. Je lui ai dit que j’y étais venue moi aussi pour me cacher pourqu’ils ne me tuent non plus. Elle m’a demandé de nouveau si j’étais apparentée à cette femme à qui j’ai rendu visite et je lui ai dit qu’elle était seulement une amie de ma mère.

C’était un moment difficile pour moi parce que j’ai même demandé à la femme qui j’avais trouvée aux toilettes, “Allons- nous vraiment être tuées?” Elle a dit, “C’est probable que nous devons être tuées.” Et elle m’a conseillé de prier à DIEU de me pardonner mes péchés afin que si  je meure je sois la bienvenue chez le Seigneur dans le Paradis. Elle avait un bébé d’un an et demi qui pleurait tout le temps. J’ai quitté cet endroit et je suis rentrée à l’enclos de Maria et de nouveau elle m’a chassée.

Près de chez elle il y avait une autre femme qui était Tutsie qui m’a dit d’arrêter de me comporter en enfant afin que nous puissions trouver quelque part pour nous cacher. Mais même elle n’avait aucune idée où aller, donc j’ai decidé de rentrer à l’enclos de Maria. Elle est allée appeler pour l’Interhamwe pour les faire venir m’emmener pour être tuée. C’est parce qu’ils ont déjà tué beaucoup de gens.

Quelqu’un qui s’appelait Billy est venu pour m’emmener, mais quand il s’est rendu compte du fait que c’était moi, il en avait peur parce qu’il a cru que j’étais apparentée à Maria. Il m’ a commandé d’aller avec lui. Il avait des armes partout sur son corps et beaucoup de sang sur ses vêtements, et il me disait que nous devions aller ensemble et qu’il me presenterait aux soldats

afin qu’il se peut qu’ils ne me tuent pas. J’ai demandé qu’il me quitte pendant que je me lavais et je lui ai donné le temps de venir me chercher et il était d’accord. La femme tutsie qui s’appelait Merenia et qui était voisine m’a dit, “Laissons- nous trouver quelque part pour nous cacher, autrement nos vies sont en danger et une fois que l’homme revient, nous allons être tuées immédiatement.” J’étais d’accord. Elle connaisait des gens ici et là, mais quand nous sommes arrivées chez eux, ils n’étaient pas là. La femme, à qui nous sommes allées, s’appelait Theresa mais elle était Hutue. Nous nous sommes assises derrière sa porte, mais avec beaucoup de peur  simplement parce qu’il était plein jour et l’Interhamwe tuaient les Tutsis chaque fois qu’ils pouvaient les trouver.

Stupidement,plus tard  je suis retournée chez Maria. Encore une fois elle m’ a dit que je devais aller chez la famille du Docteur Jean et voir si elle vivait toujours. J’y suis allée immédiatement, mais ce que j’ai témoigné—Oh, mon Dieu, c’était hors de mon imagination parce qu’ils avaient massacré le Docteur Jean, qui était Hutu, mais il était en cours de protéger sa femme, qui était Tutsie. Ils l’ont tué et tous ses enfants, et sa femme et il y avait beaucoup de sang dans la maison qui coulait comme l’eau de robinet dans le salon. Pendant que j’étais chez le médecin, j’ai rammassé des photos d’eux parce que parmi les corps ils n’ont pas vu une fille et j’ai pensé que si je la voie je pourrais lui rendre les photos. Ils avaient tout pillé dans la maison.

Ensuite, je suis retournée chez Maria et j’ai donné les photos à sa soeur et je lui ai dit, “S’il vous plaît, assurez-vous de garder les photos parce qu’il est probable que je mourrai, alors vous lui donnerez ces photos si vous la trouvez (Irene) en vie.” Une soeur de Maria a apporté les photos avec moi à une plantation de bananes où nous les avons couvertes de terre. Je suis retournée chez Maria et elle m’a dit de chercher une binette et creuser une grande cave où je pourrais me cacher, j’ai essayé, mais c’était impossible parce que je n’avais pas de force pour faire cela et je suis devenue fatiguée et j’ai décidé d’arrêter. Pendant que je prévoyais ce qu’il fallait faire, Merenia m’est revenue  et elle a dit, “Essayons de nouveau d’aller chez Theresa pour voir si elle est de retour.”

Malheureusement, elle n’y était pas. J’étais mal à l’aise parce que j’entendais une voix qui me disait qu’une fois que tu restes ici pour longtemps, tu mourras. J’ai quitté chez Theresa. Je me promenais ici et là et en route j’ai rencontré un groupe d’Interhamwe avec beaucoup de Tutsis en rang, j’y étais aussi compris, et nous avons continué à marcher. En route nous avons rencontré Merenia et ils l’ont aussi amenée avec nous. Et puis nous sommes arrivés à l’endroit où ils ont décidé de nous tuer. On nous a mis en rang selon notre taille et j’étais au milieu du rang parce que le début du rang était pour les jeunes de 4 à 10 ans.

Nous étions tant d’enfants qui pleurions et demandions pardon et disions que nous ne serions plus des Tutsis. Un enfant a dit à son père, pourquoi vous ne leur dites pas que nous ne serons plus des Tutsis, mais le père n’avait rien à dire. Immédiatement ils ont commencé à tirer du premier rang, ensuite du deuxième rang et pour moi j’étais dans le troisième rang, mais dû à beaucoup de peur, je suis tombée et les corps m’ont couverte. J’étais couverte de corps morts. Sur mon Dieu- j’ai dormi dans le sang jusqu’à environ trois heures du matin. Merenia a aussi reçu une balle, mais elle vivait encore et elle a poussé un cri, “Umulisa, es-tu morte?” J’ai répondu, non, mais mon corps était couvert de sang, dans les oreilles, dans le nez, et dans la bouche, et j’ai soupçonné que j’ai aussi reçu une balle à cause du sang. Nous sommes allées à quatre pattes et nous sommes descendues la vallée en glissant et nous avons lavé nos vêtements pour ôter le sang de partout sur nos corps. Même maintenant, des années plus tard chaque fois que je témoigne de ce dont j’étais témoins, je sens l’odeur de sang à l’intérieur de mon corps.

Plus tard après que nous nous sommes baignées, nous sommes rentrées chez Theresa et nous  l’avons demandé de nous cacher, mais elle a dit, “Non, c’est difficile et malheureux-je ne peux pas vous cacher.” Après son refus nous sommes allées dans un quartier animé avec Merenia et le sang coulait d’elle plus vite. Nous y sommes restées pendant un certain temps et pendant ce temps nous avions faim et soif, surtout elle qui avait le problème de beaucoup de sang qui coulait de son corps. Merenia a dit que nous devions partir de cet endroit et retourner chez Helena où elle avait gardé ses vêtements.

En y arrivant Helena nous a dit, “J’ai aucun endroit où vous cacher parce que mon mari tue les gens aussi.” Elle nous a apporté une valise et Merenia m’a dit de choisir des vêtements qui m’iraient. Je me souviens que j’ai choisi une jolie tenue et quand j’y pense je m’en moque parce que cela me rappelle comme je me suis montrée très puérile. Après avoir trouvé les jolis vêtements nous sommes retournées de nouveau dans le quartier animé, mais Merenia n’était pas contente d’y rester longtemps et elle m’a dit, “J’ai une carte d’identité nationale qui m’identifie comme Hutue donc je vais essayer de voir si je peux aller à Butare.” Je lui ai dit, “S’il vous plaît,n’allez pas parce que votre apparence physique a d’importance, et personne ne vous laisserait y aller et ils vous tueront immédiatement.” Elle a insisté et elle a décidé d’y aller et c’était la dernière fois que je l’ai vue. Ce que je sais, c’est qu’elle est probablement morte en route.

Je suis restée seule dans le quartier animé parce que Merenia est partie; je me souviens qu’il a plu à verse. J’avais faim et soif et enfin j’ai décidé de retourner encore chez Helena même si son mari avait tué des gens. Quand j’y suis arrivée, elle était de nouveau étonnée de me revoir et de voir que j’étais toujours vivante, mais elle m’a conseillé de retourner chez Maria, celle qui j’avais visitée la première. Je n’avais rien d’autre à faire donc je suis retournée chez Maria. Elle était étonnée de me voir vivante après si longtemps parce que beaucoup de gens ont été tués dans la région. Elle m’a dit, “Umulisa, j’ai une solution pour toi. Il vaut mieux aller à Sibomana qui est chargé de délivrer les cartes d’identité nationales et tu peux le convaincre que tu as perdu ta carte d’identité, mais dis que tu es Hutue.” Elle m’ a dirigée vers la route, mais j’ai pris un itinéraire différente.

Malheureusement, j’ai trouvé un barrage routier avec une permanence de cinq Interhamwe. Ils m’ont arrêtée et m’ont demandé où j’allais et d’où je venais. Je leur ai dit que j’étais de chez Maria. Un des milices a dit, “Pourquoi vous me trompez- Je connais tous les gens qui restent chez Maria- comment ça se passe que je ne vous connais pas!” Il m’a dit que j’étais un cafard (Inyenzi). J’ai dit que je ne le suis pas, mais il a insisté et il a dit que j’étais une fille tutsie. Encore j’ai dit, “Non, s’il vous plaît!” Il m’a demandé mon nom et je lui ai dit que je m’appelais Umulisa. Il riait et riait et il a dit, “Les Hutus n’ont pas de noms comme ça, donc vous êtes Tutsie.” L’Interhamwe m’ont dit que je devrais leur dire la vérité parce que s’ils se sont avérés que j’avais tort, je serais tuée immédiatement. Il m’a ordonné de m’asseoir. Il a regardé mes doigts et mes jambes et après les avoir examinés, il a dit que j’étais Tutsie. A ce moment j’étais d’accord avec eux.

Ils m’ont ordonné d’y rester debout et il s’est éloigné. Il avait l’intention de me tuer, mais parmi la milice il y avait un vieil homme qui ressemblait à un Tutsi et je l’ai regardé avec bienveillance pour qu’il m’aide. Mais il ne m’a pas aidé. Donc l’interhamwe qui s’appelait Ruzindana m’a ciblée, mais au moment où il allait tirer, un autre milicien lui a dit d’arrêter. Il a dit, “Ne tuez pas la fille dans cet endroit parce qu’elle va puer et nous n’avons pas de binette pour l’enterrer. Il vaut mieux la laisser et attendre le véhicule qui est allé chercher encore des Tutsis qui seront tués et elle y sera inclue.”

Tandis que le temps passait, un autre milicien est venu et leur a demandé, “Et la fille alors? Qu’est-ce qu’elle fait ici?” Ils ont répondu, “C’est un cafard.” Il a dit qu’il doutait que la fille soit vraiment un cafard! Ensuite, Ruzindana lui a dit, “Vous ne m’avez pas compris. C’est une Tutsie.” Immédiatement, cet interhamwe s’est approché de moi et il m’a demandé mes noms, où j’allais et où je restais. Je lui ai dit que je restais à Kibuye dans un endroit qui s’appelait Rubengera. Heureusement, l’homme connaissait l’endroit parce qu’il venait lui aussi de cette région donc il est devenu  plus ou moins gentil et il m’a demandé si je connaissais un pasteur qui s’appelait Nzabahimana. Je lui ai dit que c’était mon pasteur et que la femme du pasteur était une bonne amie de ma mère- Mon Dieu, l’homme était apparenté à la femme de mon pasteur! Il est retourné à son milice et il lui a demandé de ne pas me tuer. Ils étaient d’accord parce qu’il a dû les convaincre très sincèrement. Il est ensuite retourné vers moi et il a dit, “Ils sont d’accord pour vous épargner. Où allez-vous donc maintenait?” Je lui ai dit que j’allais à Habimana pour chercher une carte d’identité qui me décrit comme une hutue. Il m’a conseillé de ne pas y aller parce que l’homme, qui y était, tuait beaucoup de Tutsis. Ensuite, il m’a demandé de l’accompagner, mais je me méfiais de lui. Même s’il a demandé à ses associés de ne pas me tuer, j’avais peur qu’il me viole.

Je lui ai demandé permission de retourner chez Maria pour l’informer que je ne verrais pas Habimana, mais dans la tête j’avais l’intention de retourner au quartier animé parce qu’il est devenu pour moi  l’endroit le plus sûr. Le soir je suis allée chez Helena et elle m’a donné quelque chose à manger et elle m’a dit qu’elle allait me cacher pour une journée et après nous organiserons où aller. Elle était disposée à me cacher, mais son mari était assasin interhamwe, alors elle n’a jamais voulu que je sois tuée chez elle. Elle a essayé de trouver d’autre gens qui me cacheraient et après je suis retournée dans la brousse, mais je pouvais voir les gens qui passaient et j’ai vu Buhiri, une des soeurs de Theresa. Elle avait peur de me parler, mais elle a promis de demander à Theresa de me cacher. Le soir Helena est venue me chercher et elle m’a emmenée chez Theresa. Ensuite on m’ a donné une chambre à côté du salon, mais l’interhamwe me cherchait parce qu’ils n’ont pas vu mon corps parmi les cadavres.

Je suis restée chez Theresa pendant trois semaines et j’étais avec un petit garçon qui s’appelait Mishove, qui je considerais comme frère. Une fois il est venu et il m’a dit qu’il allait mourir ce jour-là. Je lui ai demandé pourqupoi il disait ça. Il m’ a dit qu’il le sentait simplement. Néanmoins, quand il était presque minuit, Mishove m’a dit que sa mère lui manquait et quand j’ai essayé de l’empêcher de partir, il a refusé avec véhémence. Pendant qu’il essayait d’arriver chez lui, il a été tué avec toute sa famille sauf un seul garçon qui a sauté au-dessus du véhicule qui les avait menés pour être tués. J’ai dit à Helena que Theresa m’a commandé de partir pour aller ailleurs. Oh Dieu, elle a été étonnée d’entendre cela, mais elle m’a promis de nouveau d’aller à une autre femme et de faire une demande de me cacher. Cette femme-là restait à Biryogo.

Le problème c’était comment y arriver à cause des barrages routiers. Mais cette femme-là Mama Sania de nom était d’accord de me cacher. Helena m’a expliqué comment arriver chez elle, mais à cause de ma peur je me suis perdue. Je suis arrivée à un barrage routier et il y avait un vieil homme qui y restait debout. Il m’a arrêtée et m’a dit que j’étais un cafard et j’ai dit, “Non, s’il vous plaît.” Il m’a commandé de m’asseoir et je me suis rendue compte du fait qu’il était très vieux et j’ai décidé de me sauver parce qu’il était incapable de courir après moi. Je suis allée à une autre maison en face de la maison de Mama Sania et puis j’ai frappé à la porte et un homme (Emmanuel) a ouvert la porte et il m’a demandé où j’allais. Je lui ai dit et il m’a redirigé chez Mama Sania.

Quand j’y suis arrivée et je l’ai saluée, je lui ai dit la raison pourquoi je suis venue chez elle. Elle m’a dit, “Umulisa, je ne pourrai pas te cacher!” Immédiatement, je suis devenue désespérée où j’ai perdu la tête et j’ai demandé à Dieu, “Pourquoi je ne suis pas tuée au lieu de souffrir de cette façon parce que tout le monde m’a rejetée?” Je suis allée dehors en pleurant. Et puis, elle m’a dit, “Umulisa, je suis musulmane et j’ai peur de Dieu et dès que je vous quitte et vous soyez tuée, Dieu me jugera pour ne pas vous avoir aidé, rentrez donc dans ma maison.”

Quand je suis entrée dans la maison, j’ai recontré beaucoup de personnes dont la plupart se trouvait dans une situation qui resemblait à la mienne. Il y avait des gens plus âgés et il y avait une fille qui a été menacée d’une situation terrible parce qu’elle a été violée et ces parties génitales puaient et elles saignaient. Je suis devenue très inquiète pour elle parce qu’elle souffrait et puis j’ai commencé à la soigner comme Mama Sania essayait d’y faire entrer des gens qui ont été coupés en morceaux, mais qui n’étaient pas encore morts.

Je me souviens d’une fois quand elle y a amené un homme qui a été coupé sur tout le corps. Il s’appelait Minani et elle m’a donné la responsabilité de s’occuper de lui et j’ai essayé de préparer de l’eau chaude pour laver ses blessures. Cet homme, après avoir repris des forces, m’a demandé quels étaient les liens que j’avais avec Mama Sania. Je lui ai dit simplement qu’elle était une parente à moi. Il a dit, “Mais tu ressembles à une tutsie!” Je lui ai demandé pourquoi il voulait savoir ma tribu. Il a dit, “Je suis Hutu de Burundi.” Ensuite, je lui ai demandé pourquoi il était en Rwanda. Il a dit qu’ils restaient dans un camp de refugiés à Bugesera, mais quand la guerre  est arrivée à cet endroit qu’il avait très peur.

J’ai continué à l’aider comme je le faisais sans considérer qu’il était Hutu, comme sa vie a continué à empirer, il m’a dit qu’il allait mourir mais avec du mal dans son coeur. Je lui ai demandé pourquoi. Il a dit qu’il détestait les Tutsis. Oh Bon Dieu, j’ai eu peur et j’étais inquiète. Cependant il m’a dit ensuite, “Je vous demande pardon parce que je me suis rendu compte du fait que je détestais les Tutsus sans raison valable parce que j’ai appris une leçon de vous et j’ai demandé à Dieu de me pardonner pour avoir détesté les Tutsis.”  Je lui ai dit que je l’ai pardonné. Nous nous sommes ensuite serrés la main et il m’a promis de prier pour moi afin que Dieu me sauve.

Après une semaine le RPF a pris le pouvoir à Kigali et tous les gens étaient conseillés de quitter les maisons et aller à l’église de St. Andrew. Mama Sania nous a dit tous d’aller à l’église de St. Andrews et elle est restée avec la fille qui a été violée. Nous sommes allés à l’église de St. Andrews et nous y sommes restés jusqu’à la fin de la guerre à Kigali et quand je suis rentrée à Kibuye tout mon peuple a été tué sauf mon petit frère qui a survécu. Ensuite, j’ai été emmenée à un centre d’orphelinat à Gitarama. Je suis allée et je l’ai amené de l’orphelinat. Nous sommes restés ensemble. Ma mère n’était pas encore morte et j’ai essayé de procurer des médicaments pour elle, mais elle a été si sévèrement battue qu’elle est morte immédiatement après la guerre.

Sur la question de Gacaca c’est bon simplement parce que, si ceux qui ont tué confessent et demandent pardon quelque fois ça aide les survivants à savoir où les os de leurs aimés se trouvent et ils peuvent ensuite les enterrer avec le respect qui leur convient. Mais, de plus Gacaca provoque des maux de tête pour moi, surtout quand les gens qui ont tué parlent franchement sans peur ou sans tristesse. Ils les libèrent ensuite sans même les pûnir. Je le considère mal pour moi d’assister à Gacaca parce que quand j’y assiste après je passe la semaine à être très triste et traumatisée.

 

Sur la réconciliation, ils devraient trouver un autre terme à utiliser parce que selon ma compréhension, la réconciliation veut dire partager les points de vue, les secrets, et tout avec la personne qui a tué vos parents et vos membres de famille. C’est très difficile pour moi- peut-être c’est bien pour ceux qui ont toujours des parents, mais pas pour moi. Je ne peux pas me réconcilier ou m’unir avec ceux qui ont tué mes parents. Ce ne sera jamais pour moi et c’est à cause de cela que j’avais détesté Dieu, mais après j’ai demandé pardon. La raison pour laquelle j’avais détesté Dieu c’est que son Fils n’a pas souffert dans la façon que les Tutsis ont souffert parce qu’Il a souffert seulement pendant trois jours et après il a été ressuscité, mais les Tutsis ont souffert beaucoup plus longtemps après que le monde a été créé. Je ne dis pas que nous devrions nous venger contre ceux qui ont tué nos bien-aimés, mais faire semblant n’est pas se réconcilier.

Je prie le Tout-Puissant que mes enfants ne doivent jamais affronter de nouveau cette situation dans leurs vies parce que c’était vraiment comme serrer la main du diable. Parce que les Tutsis étaient comme des chèvres -la façon dans laquelle ils ont été abattus de 1959 à 1994. J’ai deux enfants maintenant, une fille et un garçon, de 5 ans et de 11 ans respectivement. Je suis heureuse avec mes enfants. Le garçon ressemble à son père, qui j’aimais tant, plus que personne au monde.

Nota bene: Après cet entretien a été conduit par Stephen Gatsinzi au printemps de 2007, il a été découvert qu’une autre version plus courte de l’histoire d’Umilisa Odette a été publiée dans le livre  d’Aegis intitulé “We Survived:Genocide in Rwanda – 28 Personal Testimonies” (“Nous avons survécus: le Génocide en Rwanda- 28 Témoignages Personnels”)

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